À la Une: violences et suspicions en Guinée-Bissau
Avec tout d'abord cette vague de répression orchestrée par le nouveau pouvoir militaire. Samedi, rapporte Afrik.com, « des hommes armés ont fait irruption dans plusieurs sièges de partis politiques à Bissau, dont celui du PAIGC ainsi que celui du PRS, le Parti de la rénovation sociale, dont Fernando Dias était le candidat à la présidence. Les assaillants ont chassé les employés et dévasté les bureaux. L'opposant a été contraint de se cacher, tandis que l'ancien Premier ministre Domingos Simoes Pereira, leader du PAIGC, demeure détenu au ministère de l'Intérieur. Au quartier de Hafia, toujours dans la capitale, note encore Afrik.com, des jeunes manifestants ont été arrêtés de manière violente alors qu'ils protestaient contre la situation politique. » Et puis, il y a ce soupçon de coup d’État monté de toute pièce. L'opposition dénonce une manœuvre du président Umaro Sissoco Embalo qui, voyant le pouvoir lui échapper par les urnes, aurait fait intervenir l'armée. Pour Maître Saïd Larifou, avocat de Domingos Simoes Pereira, dont les propositions sont rapportées par Afrik.com , « la Cédéao doit intervenir pour exiger la libération des opposants. Le président sortant a manigancé ce coup d'État électoral et est protégé, tandis que ceux qui revendiquent la victoire sont persécutés. Cette situation est une agression grave qui exige une réponse internationale immédiate. » Des proximités suspectes entre Embalo et le nouvel homme fort du pays D'autres voix et non des moindres s'élèvent aussi hors des frontières pour dénoncer une mascarade, à commencer par celle d'Ousmane Sonko, le Premier ministre sénégalais qui parle de « combiner. » Et la presse dakaroise n'est pas en reste. WalfQuotidien note que « presque tous les ministres de la nouvelle équipe dirigeante nommés par les militaires sont des proches de l'ex-chef de l'État. C'est ce qu'on appelle faire du neuf avec du vieux. (…) Umaro Sissoco Embalo a lui-même fait le service après-vente (…). » Exemple, relève le quotidien sénégalais : « le nouveau Premier ministre, Ilidio Té Vieira, était le directeur de campagne d'Embalo lors des élections présidentielles et législatives. » Et puis il y a aussi la proximité entre Embalo et le nouvel homme fort du pays, remarque notamment le Monde Afrique. « Le général Horta N'Tam, auteur d'un étrange coup d'État », titre le journal qui constate que « les deux hommes se connaissent bien. En septembre 2023, le chef de l'État l'avait nommé chef d'état-major particulier. Avant d'en faire, quelques mois plus tard, le chef d'état-major de l'armée de terre. Pour plusieurs opposants donc, constate également Le Monde Afrique, ces liens entre Embalo et le général N'Tam accréditeraient l'hypothèse que ce coup d'État serait une manœuvre du clan présidentiel pour empêcher la victoire dans les urnes de l'opposant Fernando Dias – qui vit caché depuis le putsch. » Que peut la Cédéao ? Pour sa part, relève WakatSéra à Ouagadougou, « la délégation de la Cédéao, qui se rend en principe ce lundi à Bissau pour y rencontrer les nouveaux maîtres militaires, ne s'attend certainement pas à une partie de plaisir. Face au général Horta N'Tam, le président sierra-léonais et président en exercice de la Cédéao, Julius Maada Bio, et ses pairs du Sénégal, du Togo et du Cap-Vert, exigent un retour immédiat à l'ordre constitutionnel. » Mais, s'interroge le site burkinabé, « le coup est-il jouable alors que les résultats des élections n'ont pas été publiés et que les deux candidats, l'un en fuite et l'autre caché, revendiquent toujours la victoire ? » Et « pendant ce temps, soupire le Pays, Embalo, réfugié à bonne distance au Congo-Brazzaville, apparaît tel un marionnettiste ayant quitté la scène sans renoncer tout à fait à tirer les ficelles. Sans doute espère-t-il revenir rapidement à Bissau, porté par une transition qui lui doit tout et a priori ne lui refusera rien. La Guinée-Bissau, déjà marquée par les cicatrices d'un passé politique douloureux, marche désormais sur une ligne de crête, suspendue au-dessus du vide, pointe encore Le Pays. Et ce ne sont ni les injonctions, ni les menaces de la Cédéao ou de l'Union africaine qui suffiront à restaurer la confiance entre les acteurs politiques d'un pays plusieurs fois mordu par l'Histoire. »